Après une année 2019 marquée par l’agri-bashing et un certain dénigrement envers les agriculteurs, une question s’impose : et si citoyens et agriculteurs repartaient du bon pied en 2020 ? Au-delà de l’aspect rhétorique de cette interrogation se pose la question de la manière. Et si la solution était simplement de montrer, de voir, d’entendre, de sentir et de partager la vie de la ferme dès le plus jeune âge ?

C’est le rôle des fermes pédagogiques : montrer la ferme aux plus jeunes comme aux moins jeunes, leur enseigner l’agriculture, leur montrer le travail de la terre et partager une passion : celle de vivre au quotidien proche de la nature et des animaux. C’est qu’une ferme n’est pas juste une bâtisse ou un lieu de travail, c’est aussi – et surtout – un lieu de vie où hommes, femmes, enfants, veaux, vaches, poules et cochons se côtoient et où chacun y a quelque chose à raconter.

En ce début d’année, Accueil Champêtre en Wallonie a envoyé aux médias un dossier de presse pour mettre en avant le travail des fermes pédagogiques wallonnes. Découvrez-le ici !

L’éducation comme réponse à l’agri-bashing

L’agri-bashing est un anglicisme à la mode ces temps-ci. Il s’agit d’un mot-valise entre agriculture et bashing (dénigrement) désignant une certaine forme de lynchage médiatique du monde agricole. L’année 2019 a particulièrement été marquée par cette déconsidération globale du secteur de la production alimentaire, surtout via les actions de protestation ou de communication de groupes végans ou antispécistes.

Si certaines de ces critiques avaient bel et bien leur place dans l’espace public et médiatique, nombre d’entre elles n’avaient aucunement leur place en Belgique, et encore moins en Wallonie.

Le principal problème de cet agri-bashing moderne est la création d’amalgames entre des modes de production très ou complètement différents. Ainsi, la plupart de ces critiques découlent d’agricultures non-européennes, aux méthodes agricoles et/ou aux contrôles diamétralement opposés aux normes européennes, belges et wallonnes.

 

Face aux images de feed lots américains (ces parcs d’engraissement intensifs des bovins), de cultures d’OGM et d’épandages brutes de pesticides, il est bon de rappeler que le secteur de la production belge est extrêmement contrôlé, tant du point qualitatif que sanitaire, et que l’agriculture wallonne est une agriculture avant tout familiale.

L’agri-bashing en Wallonie est donc, en partie, le résultat d’une certaine forme d’ignorance. Avec une moyenne de 50 vaches laitières par exploitation bovine ou de 630 porcs par ferme porcine, la région est loin de participer au gigantisme fermier décrié par ses opposants. Si on ajoute le fait que le nombre d’exploitations bio a triplé en 15 ans et que la majorité de l’agriculture wallonne est dite « raisonnée », on comprend que le modèle en place en Wallonie se distingue nettement des images diffusées en boucle par ses critiques.

C’est un constat que les principaux acteurs de terrain (FWA, FUGEA…) mettent régulièrement en avant : la singularité de la production wallonne et son évolution constante vers une agriculture responsable et citoyenne.

Accueil Champêtre en Wallonie, en tant que principale association d’encadrement des agriculteurs en diversification, entend donc « remettre la ferme au milieu du village » en promouvant davantage d’échanges et d’interactions entre citadins, ruraux et agriculteurs. Une solution qui pourrait passer par le partage et l’éducation via, par exemple, les fermes pédagogiques, ces exploitations qui partagent leur travail entre la vie à la ferme et l’éducation des plus jeunes !

Une ferme pédagogique ?

Une ferme pédagogique est une ferme en activité qui accueille des visiteurs, des classes, des stages ou des anniversaires. Bien que la majorité de son public soit composé de jeunes enfants, elle peut aussi accueillir des adultes ou des familles en visite.

Ces fermes pédagogiques sont l’occasion pour ces visiteurs de découvrir la vie à la ferme ou d’approcher des animaux qu’ils ne côtoient pas au quotidien : vaches, cochons, poules, lapins, moutons et chèvres, voire des alpagas, des bisons, des autruches ou même des escargots.

Outre la découverte de bêtes typiquement rurales, ces visites permettent aux jeunes et moins jeunes de nourrir les animaux, de récolter et cuisiner des produits de la ferme, de découvrir la transformation agricole… En plus du plaisir de l’expérience, cela leur permet de comprendre le monde agricole actuel et ses relations avec leur vie quotidienne : d’où viennent les légumes, les œufs, la viande ou les céréales qu’ils ont mangé le matin ou la veille.

L’objectif d’une ferme pédagogique est donc, par la découverte, la détente et la dégustation, de sensibiliser ses visiteurs au métier d’agriculteur, au monde animal et végétal, au développement durable mais aussi aux rôles économique, sociologique, environnemental, patrimonial et technologique de l’agriculture.

De manière générale, trois types d’accueil peuvent être organisés : des visites scolaires, parfois sur plusieurs jours, des stages pendant les vacances ou des anniversaires à la ferme.

La situation en Wallonie

En Wallonie, il y a une grosse cinquantaine de fermes pédagogiques reconnues en activité ainsi qu’une quinzaine de fermes d’animation. Ces fermes accueillent plus de 100 000 visiteurs par an, majoritairement des enfants (à hauteur de 95% des visiteurs) lors de sorties scolaires ou de stages à la ferme.

La très grande majorité de ces fermes pédagogiques sont encadrées par Accueil Champêtre en Wallonie, dont le pôle « Ferme Pédagogique » travaille en collaboration avec la DGO3 (Agriculture) et l’APAQ-W (promotion de l’alimentation wallonne) pour animer et promouvoir ce réseau.

Le coût moyen d’une journée en ferme pédagogique est de 10€ par élève, hors frais de déplacement.

Si, à travers l’histoire, les fermes ont souvent eu une fonction d’accueil, il fallut attendre 1990 pour que les fermes pédagogiques se structurent. Après des décennies d’urbanisation tant de la société que du terroir doublées d’une certaine perte de repères agricoles des citadins, des agriculteurs créèrent les premières fermes pédagogiques en tant que telles, sous les appellations fermes buissonnières ou fermes découvertes. Leur objectif était simple : restaurer le dialogue avec le grand public, et plus spécifiquement avec les enfants.

Avec la création d’Accueil Champêtre en Wallonie, en 2001, les choses se structurent et l’encadrement, auparavant syndical, devient unique et spécifique aux fermes pédagogiques. L’ASBL s’instaure comme le lien privilégié entre l’administration, les partenaires régionaux (tels que l’APAQ-W) et les propriétaires, animateurs ou porteurs de projet(s) agro-pédagogique(s).

C’est en 2014 que le terme de « Ferme pédagogique » a officiellement été défini dans le Code Wallon de l’Agriculture avant qu’un arrêté ministériel n’en précise les conditions, en 2017.

Les fermes pédagogiques de notre réseau sont à découvrir sur le https://www.accueilchampetre.be/fr/ferme-pedagogique

Ferme pédagogique, une appellation reconnue

On ne s’improvise pas « Ferme Pédagogique ». Ou plutôt, on ne peut se revendiquer de l’être sans l’aval de la Wallonie, l’appellation est reconnue et protégée par un cahier des charges précis. La Ferme pédagogique est définie dans le Code Wallon de l’Agriculture comme « une exploitation agricole qui tire la majorité de ses revenus de l’activité agricole et qui est gérée de façon autonome par un agriculteur tout en accueillant régulièrement, à titre accessoire, des visiteurs et enfants dans le cadre d’activités pédago­giques. » Pour pouvoir porter l’appellation, il est nécessaire de répondre aux critères suivants :

  • La demande doit être initiée par un agriculteur en activité ;
  • L’agriculteur et/ou un de ses animateurs doit disposer d’une formation pédagogique ;
  • L’agriculteur et/ou un de ses animateurs doit disposer d’une formation en premiers secours ;
  • La ferme pédagogique doit disposer d’un local d’accueil et d’un bloc sanitaire ;
  • Le local d’accueil doit être en ordre au niveau de la réception électrique et de la sécurité incendie ;
  • L’agriculteur doit veiller à la sécurité de ses visiteurs, en prenant les assurances nécessaires et en faisant réaliser une analyse de risques par un organisme spécialisé ;
  • Les activités de la ferme pédagogique doivent répondre aux missions citées dans le Code Wallon de l’Agriculture ;

L’aspect pédagogique étant au cœur de la démarche, il est vivement recommandé de suivre une formation spécifique de 3 jours, dispensée en collaboration avec Education-Environnement. Cette formation aborde quelques activités concrètes effectuées à la ferme avec les enfants et les met en rapport avec les apprentissages scolaires. Les participants se rencontrent, échangent sur le type d’animations qu’ils proposent, etc. La formation donne également des conseils concrets pour sensibiliser les participants à l’accueil pédagogique (la façon dont on s’adresse à un enfant, par exemple.).

Une pédagogie active et participative

Le premier intérêt de ces fermes est évidemment pédagogique. Par la découverte, l’expérimentation, les cinq sens et l’apprentissage, les jeunes et moins jeunes découvrent la nature ou la vie à la ferme. Ils se rendent compte, par une pédagogie à la fois active et participative, que l’agriculture a un impact majeur sur l’environnement et l’alimentation de l’Homme.

Diverses activités sont généralement proposées, des plus classiques (nourrir les animaux, les pailler, récolter les œufs…) aux plus originales (golf champêtre, balade en calèche…) en passant par les plus pratiques (fabrication du jus de pomme, du pain…).

Les visiteurs appréhendent ainsi le cycle de la vie, des saisons, de l’alimentation, etc. de manière pratique et récréative. Ils peuvent ainsi se rendre compte par eux même qu’un agriculteur ne détruit pas l’écosystème, il l’enrichit, il participe à la vie de la terre. Cette pédagogie active et participative est vraiment au cœur du projet : on n’apprend pas simplement les choses, on les vit.

Et cette journée peut ensuite se poursuivre en classe, les enseignants recevant des dossiers pédagogiques d’approfondissement de la matière approchée à la ferme édités en collaboration avec l’APAQ-W.

Bénéfices pour l’agriculteur

Une ferme pédagogique est une activité complémentaire de diversification. Cela signifie que la majeure partie des revenus de l’agriculteur découle de sa production première. Au niveau financier, l’activité « ferme pédagogique » constitue un complément pour l’agriculteur dont le métier principal reste la production. L’activité pédagogique permet souvent de créer de l’emploi : si, au départ, les animations sont menées par l’agriculteur, il arrive bien souvent que, lorsque l’activité s’accroit, des emplois complémentaires temporaires (étudiants, intérimaires) ou permanents (engagement d’animateurs) soient créés. Il arrive également, comme l’a montré une enquête sur le temps de travail menée par Accueil Champêtre en Wallonie avec Diversiferm début 2017, que certaines tâches liées à la production primaire de la ferme soient déléguées à une personne ou une entreprise de travaux agricoles afin de permettre à l’agriculteur de mener l’activité d’accueil. Outre l’intérêt « humain », la plus-value financière est intéressante puisque les revenus générés par la diversification sont moins dépendants des fluctuations que ceux liés aux productions classiques (lait, céréales…).

Bien au-delà du niveau financier, accueillir des enfants apporte un réel enrichissement sur les plans humain et social pour l’agriculteur et sa famille. C’est cet aspect avant tout qui motive les agriculteurs.

La ferme pédagogique est donc un bel exemple de développement durable qui permet à l’exploitation agricole de se développer en parallèle sur les plans économique, social et écologique.

Fermes pédagogiques et fermes d’animation

Si la ferme pédagogique est une appellation reconnue et protégée, cela ne signifie pas qu’elles sont les seules à faire de la pédagogie en milieu agricole. À côté des fermes pédagogiques sont apparues les fermes d’animation, des ferme urbaines ou périurbaines avec peu ou pas du tout de production agricole.  N’étant pas des exploitations agricoles, les fermes d’animation ne peuvent prétendre au titre de ferme pédagogique mais pratiquent néanmoins aussi l’accueil à finalité éducative. Elles ont donc aussi pour objet le rapprochement avec la nature, la découverte de la ferme, l’approche du monde animal et végétal ou encore la découverte de la production alimentaire. On compte une quinzaine de fermes d’animation en Wallonie.

 

Fermes pédagogiques et fermes d’accueil social

À la différence des fermes pédagogiques, qui accueillent des visiteurs dans un cadre éducatif ou de loisirs, les fermes d’accueil social s’ouvrent aux personnes dites « en difficulté », pour des raisons sociales, familiales ou de santé. 

Le but est ici davantage la recherche de bien-être ou d’intégration sociale au travers d’activités simples mais valorisantes, comme le travail à la ferme, l’alimentation des animaux, les petits travaux manuels… L’esprit est que chacun, accueilli comme accueillant, donne et reçoive : du temps, de l’attention, du soutien, des connaissances et de la reconnaissance, des coups de main… Et que ces rencontres constituent pour chacun une source de mieux-être et d’enrichissement relationnel. Bien que les visées soient différentes, de nombreuses fermes pédagogiques font aussi de l’accueil social, pour le plus grand bonheur des uns comme des autres !

Envie d’en savoir plus sur les Fermes Pédagogiques ?

Contactez notre pôle Fermes Pédagogiques !

 

Valérie Mayérus

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Tel : +32 81/62.74.49

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